vendredi, avril 26, 2024
 

Pharmacien et violences domestiques: quel est votre rôle?

Membre le plus accessible de l’équipe soignante, le pharmacien a un rôle important à jouer dans la lutte contre les violences domestiques. Ce professionnel peut non seulement fournir des ressources aux victimes mais aussi servir de défenseur de la recherche et des politiques publiques sur le sujet.

Qu’est-ce que la violence domestique?

La violence domestique est un comportement abusif qui comprend généralement un modèle continu d’abus physique, sexuel, psychologique ou économique. Il est important de rappeler que celle-ci concerne tout le monde: femmes et hommes, de tout âge et de toute orientation sexuelle. Cette violence s’exerce aussi bien chez les personnes d’un niveau socio-économique élevé, que dans la classe moyenne ou dans le cadre d’une situation financière plus précaire. Ces actes surviennent généralement au sein de la famille et du ménage, mais peuvent aussi affecter des personnes dans une relation présente ou passée et qui ne vivent pas dans le même foyer.

Quels sont les signaux d’alerte que vous pouvez repérer?

Certains signes ou troubles peuvent laisser penser que vous pouvez être en présence d’une victime de violences domestiques.

  • Des marques visibles comme des hématomes, des plaies, des coupures…
  • Des troubles fonctionnels récurrents: maux de tête, douleurs abdominales, troubles du sommeil, anxiété, dépression.
  • Un abus de médicaments, notamment analgésiques, anxiolytiques et hypnotiques.

Un professionnel accessible

Le pharmacien dispose d’une position unique pour aider les patients, en particulier ceux qui subissent des violences domestiques. L’officine étant un lieu facile d’accès, et qui ne nécessite pas de prendre un rendez-vous, le pharmacien peut être considéré comme le membre le plus accessible de l’équipe soignante. Il peut donc fournir des ressources essentielles aux victimes de violence domestique lorsqu’elles viennent obtenir leurs ordonnances ou des conseils en pharmacie.

Ainsi, si vous pensez être face à une victime potentielle de violence domestique, il est important d’évaluer d’abord la situation. Si vous avez l’impression que cette personne est en danger, il est temps d’agir. Demandez des informations et offrez votre aide. Apportez votre soutien et une bonne écoute si cette personne en a besoin. Surtout, ne portez pas de jugement lorsque vous aidez une victime de violences domestiques. Orientez-la vers une aide professionnelle si nécessaire.

Un outil d’aide à la prise en charge des victimes

À Lausanne, un protocole de prise en charge de femmes victimes de violences domestiques, facile à mémoriser, a été mis en place dès 2008: le «DOTIP». Il est désormais étendu à tout le pays, via le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes, qui publie un «Protocole d’intervention à l’usage des professionnels». Cet outil de travail a été développé afin de les aider dans leur approche:

  • Dépister = penser systématiquement à la violence.
  • Offrir un message de soutien = prendre le temps, créer un lien dans un cadre rassurant, rappeler l’illégalité de la violence et que l’auteur en est seul responsable.
  • Traiter et organiser le suivi = prendre en charge la victime, soigner, et documenter.
  • Informer = expliquer et orienter.
  • Protéger et prévenir en assurant la sécurité de la victime, et de ses enfants le cas échéant = apprécier le risque, prendre des mesures d’urgence, prendre en compte la situation de l’auteur des violences, parfois en crise.

L’actualisation de cet outil de travail s’inscrit dans le Concept cantonal de lutte contre la violence au sein du couple et ses impacts sur la famille, qui a été validé par le Conseil d’Etat le 18 juin 2018.

Un lieu de prévention

En tant que professionnel de santé selon la LPméd art 9.f, il incombe au pharmacien et au personnel des pharmacies de s’intéresser aux problèmes de santé publique et de faire de la prévention. Il est également possible de montrer au moyen d’affiches ou de flyers que votre officine est un lieu où le sujet des violences conjugales ou domestiques peut être abordé en toute sécurité, et surtout librement. Une femme ou un homme victime de violence domestique n’abordera pas spontanément le sujet. Il vous appartient donc d’aborder le sujet si vous avez un doute face à une potentielle victime.

Les pharmaciens en tant que conseillers

L’une des choses les plus importantes que les pharmaciens peuvent faire est de fournir des informations sur la violence domestique. Vous pouvez informer sur la manière d’obtenir de l’aide pour soi-même ou pour d’autres personnes, et sur les endroits où aller pour obtenir de l’aide. Les services d’aide aux victimes ou le site Internet «aide-aux-victimes» recensent également tous les centres de consultations par canton, les maisons d’accueil pour femmes et pour hommes.

La Prévention Suisse de la Criminalité édite un guide sous forme de PDF avec des conseils pour aborder le sujet des violences domestiques, les adresses des interlocuteurs à contacter et la manière d’agir face à une victime, ou son agresseur. Le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes met à disposition des professionnels une «boîte à outils» qui comprend notamment des brochures, des petites affiches ainsi que divers types de documentation.

La violence domestique peut inclure:

  • Violence physique: frapper, pousser, donner des coups de pied et autres formes d’utilisation intentionnelle de la force pour causer des blessures corporelles.
  • Abus sexuel: contraindre ou tenter de contraindre un contact ou un comportement sexuel sans le consentement de la victime.
  • Abus psychologique: provoquer la peur par l’intimidation, la destruction des biens personnels, la rétention d’informations, l’isolement de la personne de ses amis et de sa famille, la traque et le cyberharcèlement.
  • Violence économique: priver de ressources, s’approprier l’argent de l’autre, endetter le couple, ne pas participer aux frais du ménage, etc.

Un phénomène répandu?

L’incidence des violences domestiques sur cinq ans est estimée à 14% des femmes et 7,3% des hommes. Pourtant, à Genève, seul 1% de la population (auteurs compris) est pris en charge d’après l’Étude cantonale de victimisation suite à des violences conjugales/familiales.

En 2013, sur les 5879 victimes recensées par le réseau genevois, la violence psychologique était présente dans 85% des situations et la violence physique dans 66% des cas. Les violences économiques et sexuelles sont moins fréquemment rapportées mais également moins visibles. Dans la plupart des cas de violences conjugales, l’auteur est un homme. Les facteurs de risque sont multiples, selon l’OMS: individuels (histoire de vie), relationnels (conflits familiaux), communautaires (niveau socio-économique) et sociétaux (inégalités de genre).

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